TRAITEMENT ET PRÉVENTION DU SIDA :
quelles nouvelles pistes ?
A l'occasion de la quatrième conférence francophone sur le VIH/sida qui s'est tenue fin mars à la Cité des sciences et de l'industrie à Paris, un tour de piste des nouvelles approches thérapeutiques et de prévention développées actuellement pour lutter contre le sida.
De nouvelles solutions en cas d’échec thérapeutique
Le VIH (virus d'immunodéficience humaine) s'adapte et devient résistant. Ainsi, quelque 8% des malades actuellement traités en France ne répondent plus à l'arsenal thérapeutique existant.
Pour ces derniers, l'espoir réside dans la mise au point de nouvelles classes de médicaments, comme les anti-intégrases. Des résultats prometteurs ont été présentés lors de la Conférence sur les rétrovirus et les maladies opportunistes qui s'est tenue à Los Angeles fin février.
« Sida : inaccessibles ARV », un reportage de Gérard Lafont (10') : Depuis le début de l’épidémie, le sida a tué plus de 20 millions de personnes. Alors que les séropositifs des pays riches ont accès aux antirétroviraux (ARV), seule une infime proportion d’Africains bénéficient de ces médicaments. Des associations se mobilisent pour améliorer l’accès aux ARV. Médecins sans frontières a suivi le travail de l’une d’entre elles sur le terrain au Burundi. Regarder la vidéo
Les anti-intégrases
Ces molécules bloquent l'intégration du virus au niveau cellulaire et empêchent ainsi sa multiplication.
Quand le VIH pénètre dans la cellule… : 1. Les cellules hôtes du VIH portent à leur surface des récepteurs qui sont autant de portes d’entrée dans la cellule. 2. Pour assurer l’intégration du matériel génétique viral à celui de la cellule, il doit y avoir une étape permettant la «traduction» de l’ARN viral en ADN. 3. L’ADN issu de la phase de transcription inverse est transporté dans le noyau de la cellule ; cet ADN s’intègre à l’ADN cellulaire. 4. L’ADN sert de mode d’emploi à la création de nouvelles protéines virales ; c’est l’étape de synthèse. 5. Les protéines formées n’étant pas matures, elles doivent subir l’action d’une enzyme avant l’«assemblage» ; cette enzyme est la protéase ; son action est indispensable pour la création de virus viables. 6. C’est l’étape finale durant laquelle le virus formé quitte la cellule ; le VIH «enfonce» la membrane cellulaire, s’entoure de celle-ci et sort de la cellule ; le nouveau virus est désormais prêt à infecter une nouvelle cellule.
Pour le MK-0518 (Raltegravir®), les résultats des essais de phase III (essais randomisés avec 118 patients sous placebo et 232 sous anti-intégrase, en plus de leur traitement habituel) d'une étude internationale semblent de bon augure, malgré un recul limité (16 semaines) : 60 % des patients ayant reçu le MK-0518 voient leur charge virale devenir indétectable, contre seulement 30% pour ceux qui ont pris le placebo. De plus, la tolérance à court terme est satisfaisante.
Les meilleurs résultats ont été observés chez les patients qui prenaient du Raltegravir® avec du T-20 (Fuzeon®, inhibiteur de fusion par injection sous-cutanée) et le plus récent inhibiteur de protéase, le darunavir (Prezista®). Développé par le laboratoire pharmaceutique MSD, le Raltegravir® bénéficie d'une autorisation temporaire d'utilisation (ATU), qui permet déjà à certains patients dans un état critique d'y avoir accès. Une autre anti-intégrase est en cours de développement chez Giléad mais elle en est à un stade plus précoce de développement.
Un inhibiteur des récepteurs CCR5
Mis au point par le laboratoire Pfizer, le Maraviroc® est un inhibiteur des récepteurs CCR5 situés dans la membrane de la cellule humaine. En empêchant le VIH de se fixer à la membrane, cet inhibiteur bloque l'entrée du virus dans la cellule.
Testé contre placebo et à deux dosages différents dans le cadre d'essais cliniques de phase III, le Maraviroc® est capable, au bout de 24 semaines, de rendre indétectable la charge virale de 40 à 50 % (en fonction de la dose) des patients traités. De plus, d'après ces premiers résultats, le Maraviroc® semble avoir une bonne tolérance sans toxicité hépatique. Cet effet secondaire a été la raison d'arrêt d'autres médicaments de la même famille.
Un problème toutefois : il n'est efficace que pour certains patients. Ceux dont le virus utilise uniquement les récepteurs CCR5 comme porte d'entrée dans la cellule, soit la moitié des patients en échec thérapeutique.
Gros frein : un seul laboratoire – la firme américaine Monogram – est actuellement en possession du test capable de définir si oui ou non le VIH pénètre dans les cellules via les récepteurs CCR5 et ainsi de sélectionner les patients susceptibles de répondre favorablement au traitement. En outre, qu'il s'agisse de cet inhibiteur ou des anti-intégrases, ces nouveaux traitements doivent être pris en association avec d'autres molécules. De plus, ils n'ont été testés que sur le sous-type B (européen) du VIH. On ne connaît pas encore l'efficacité de ces médicaments sur les autres souches du virus, notamment celles qui sévissent en Afrique. Enfin, on est encore loin de savoir comment utiliser au mieux ces traitements, comment ils se comportent entre eux et quelles sont les combinaisons les plus adaptées.
Les différents sous-types de VIH
Du nouveau dans la diminution de la contamination
Plusieurs études font état des avantages de la circoncision pour limiter la transmission du virus. La dernière en date : une étude menée au Kenya sur 2 784 hommes de 18 à 24 ans. Divisés en deux groupes après tirage au sort, les hommes ont soit été médicalement circoncis, soit ne l'ont pas été, tous bénéficiant de conseils et de préservatifs pour éviter d'être contaminés. Après 2 ans d'observation, les résultats montrent une réduction de 53 % des cas de contamination chez les patients circoncis (publiés dans la revue médicale The Lancet du 24 février 2007). En 2005, un essai mené en Afrique du sud sous l'égide de l'ANRS révélait déjà une diminution de 60% de la contamination. Des résultats suffisamment convaincants pour l'OMS qui recommande, depuis le 28 mars, la circoncision comme méthode additionnelle de lutte contre l'infection à VIH, en particulier en Afrique subsaharienne.
Une étude menée au Burkina Faso* sous l'égide de l'ANRS (Agence nationale de recherche sur le sida), a montré que la prise du valacyclovir – molécule qui cible habituellement le virus de l'herpès – par les femmes séropositives également atteintes par le virus de l'herpès génital (HSV-2), permettait de faire baisser la charge de VIH dans le sang. Une réduction de la charge est également observée dans les sécrétions vaginales, ce qui pourrait aussi diminuer les risques de transmission du VIH.
* Résultats publiés dans la revue médicale New England Journal of Medicine du 22 février 2007.
Mère porteuse du VIH, bébé sain
Pour éviter à une mère porteuse du VIH de transmettre ce dernier à son enfant lors de l'accouchement, la prise combinée d'AZT, de néviparine et de 3TC présenterait de nombreux avantages par rapport à la prise d'AZT couplée à de la néviparine. Une étude française (ANRS) montre en effet que non seulement cette nouvelle combinaison thérapeutique réduit de 6,5 % à 4,5 % la transmission du virus mais elle permet aussi de diminuer l'apparition de résistance sur six mois de 38 % à 4,7 % chez l'enfant.