jeudi 14 septembre 2006, 21h24
Les propos du pape sur l'islam suscitent des remous dans le monde musulman
CITE DU VATICAN (AFP) - Les reflexions du pape Benoît XVI sur l'islam pendant son voyage en Allemagne ont suscité des remous jeudi dans le monde musulman, contraignant le Vatican à faire une mise au point sur le sens des propos du chef de l'Eglise catholique.
A peine rentré de Bavière, où il accompagnait le pape, le directeur de la salle de presse du Saint-Siège, le père Federico Lombardi, a déclaré jeudi soir dans un communiqué que Benoît XVI n'avait "pas eu l'intention de se livrer à une étude approfondie du jihad et de la pensée musulmane sur la question, et encore moins d'offenser la sensibilité des croyants musulmans".
Le Vatican a ainsi cherché à calmer le jeu alors que des représentants musulmans de plusieurs pays avaient interprété les propos du pape comme un jugement négatif porté sur l'islam.
Le pape, théologien réputé, qui s'exprimait mardi devant un parterre d'universitaires et de chercheurs à l'université de Ratisbonne, avait cité pour illustrer son propos un empereur byzantin du 14ème siècle interrogeant un savant musulman sur la guerre sainte (jihad) et la violence dans sa religion.
Benoît XVI a fait une distinction claire entre le christianisme et l'islam dans leur rapport entre la foi et la raison.
Il a cité un universitaire selon lequel "pour la doctrine musulmane, Dieu est absolument transcendant. Sa volonté n'est liée à aucune de nos catégories, pas même à celle de la raison".
Ces propos ont été interprétés comme un jugement négatif du souverain pontife envers l'islam.
Au Koweït, le secrétaire général du parti islamiste Oumma (Nation islamique), Hakem al-Mutairi, a appelé tous les pays musulmans à rappeler leurs ambassadeurs auprès du Vatican "jusqu'à ce que le pape présente des excuses pour le tort porté au prophète et à l'islam".
Le chef du Rassemblement des oulémas chiites au Koweït, Sayed Mohammad Baqer al-Mohri, a également réclamé des excuses de la part du chef de l'Eglise catholique.
En Turquie, le directeur du département des affaires religieuses auprès du gouvernement, Ali Bardakoglu, a déclaré ne voir "aucun intérêt pour le monde musulman à la visite en Turquie d'une personne ayant de telles convictions pour l'islam et son prophète".
Benoît XVI est attendu en Turquie du 28 au 30 novembre à l'invitation des autorités politiques et du patriarcat orthodoxe.
Plusieurs représentants des partis islamistes pakistanais ont jugé les propos du pape "malheureux", "regrettables", voire "irresponsables".
"Dans le climat politique actuel, de telles réflexions peuvent être exploitées par ceux qui s'efforcent de nuire aux musulmans et à l'islam", a relevé Khurshid Ahmed, chef d'un institut affilié au parti islamiste Jamaat Islami.
Le secrétaire général du Conseil central des musulmans d'Allemagne, Aiman Mazyek, a estimé pour sa part que l'Eglise catholique était mal placée pour critiquer les dérives extrémistes de l'islam en raison de son histoire.
Quant au président du Conseil français du culte musulman (CFCM), la plus haute instance de l'islam en France, Dalil Boubakeur, réputé pour sa modération, il a réclamé jeudi "une clarification" des propos du souverain pontife.
Au Vatican, le cardinal Paul Poupard, président du conseil pontifical pour la Culture, a mis en garde contre une "instrumentalisation" du discours du pape.
"Le grand professeur Joseph Ratzinger a fait une leçon doctorale sur les rapport entre raison et foi", a déclaré le prélat français à l'AFP, ajoutant: "ne réduisons pas son discours à des stéréotypes".
Le prêtre missionnaire Justo Balda Lacunza, recteur de l'Institut pontifical d'études arabes et islamiques, a souligné que le pape avait "exprimé la vision catholique de la foi et posé des questions à l'islam".
"Le problème", a estimé le père Lacunza, "c'est que la foi musulmane est aujourd'hui prise en otage par les politiques".
"Il faut avoir le courage d'affronter la réalité. Il y a actuellement dans le monde musulman un problème de la violence au nom de la religion", a relevé le religieux, soulignant que "ce sont des musulmans eux-mêmes qui le disent".
Dans la soirée, le communiqué du porte-parole du Vatican soulignait que l'intention du pape est de "cultiver une attitude de respect et de dialogue envers les autres religions et cultures et évidemment également envers l'islam"